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replay I masterclass #5

Ouverture « Agir ensemble »

Séance du 10 septembre 2024

Depuis le 7 octobre, bientôt une année, nous demeurons fracassés, prisdans une stupeur douloureuse et lancinante.

 

Fracassés de cette effraction d’un réel d’abominable sauvagerie archaïque, qui est tapie au fond de l’espèce commune. Et qu’aucun des supposés « progrès », en promesse depuis deux siècles, neparvient à en juguler les répétitions.

Et plutôt quelque fois même, que ces « progrès » facilitent ; en outillages d’amplification des destructions pour passions meurtrières,et en désinvoltures, négligences, imprévoyances, relâchements, indolences, irréflexions (les mots ne manquent dans leurs variétés pour signifier l’incurie de la décision et la carence éthique des politiques, qui y font la sieste, aux quatre coins de la planète), devant la permanence du mal.

Et pas seulement dans des contrées lointaines et perdues.

 

Nous sommes saisis – aussi - de la rumeur de fond qui accompagnecette sauvagerie pour une grande partie d’entre nous. Elle claironne – avidement - que la parenthèse d’inhibition - un tant soit peu protectrice - d’après la Shoah, se referme.

Que d’autres postulants à l’annihilation de l’existence juive, renommée sémantiquement – dorénavant - sous le générique unilatéralde « sioniste », prennent le relais.

 

Nous devinons, d’un savoir issu des tréfonds mémoriels de l’expérience accumulée, que tous les paramètres avec lesquels nous avons cheminé les décades d’après-guerre, ont volé en éclats, dans tous les registres.

Qu’il s’est produit là, le 7 octobre dernier, un basculement : la fin d’une époque, l’effondrement d’illusions plus ou moins chéries, l’ouverture d’une nuit.   

 

***

Nous ne pouvons pas éprouver jusqu’à leur détresse ce que les otages subissent dans l’épouvante dans laquelle ils sont pris.

Ni ce qu’éprouvent leurs familles.

Ni les familles de tous les assassinés, saccagés, torturés, violés, dépecés, par les hordes ivres de jouissance destructrice.

Ni les familles de ceux, morts depuis dans les combats en cours.

Seuls, le silence affectueux, la parole respectueuse, et l’étreinteenveloppante, sont de notre ressort, à l’intention des affligés.

Et sont aussi de notre ressort convoqué : les mobilisations requises de chacun, à la place et à la façon qu’il peut.

 

Aux échos des dévastations inéluctables sur le terrain de la guerre, des naufrages moraux qui font signes de toutes parts, des intrigues politiciennes qui calculent leur impécuniosité de pouvoir, des défauts vaniteux de vigilance qui se révèlent, des contrefaçons sémantiques des doxas médiatiques qui étalent leurs paresses, l’accablement qui nous ronge, et l’enragement qui nous enveloppe, appellent - dans cet « Agir ensemble » - que nous réparions les ignorances, lorsqu’elles ne sont pas volontaires. Que nous pointions et démontions les impasses des raisonnements. Nous devons au moins penser. C’est le moindre que nous pouvons faire, et ce n’est pas vain.

Chez Max Weber, ça se nomma « éthique de conviction » qui juge condamnable de ne pas chercher la vérité, et honorable de dire la vérité pour la vérité.

C’est ce que nous avons déjà fait les fois précédentes avec ces « Masterclass », et que nous poursuivons, cette rentrée.

 

***

J’ajouterai une chose qui a sa place, justement ici.

Nous avons motifs d’exaspération et d’abattement conjugués, devant les manipulations discursives, les biais d’information prétendue, les péroraisons des blablateurs dans les organes d’information : télévision, presse, radios.

Nous y observons souvent le remugle connu de haines désenfouies, recuites et peu inventives.

Il nous faut y observer bien plus oppressant encore.  Il nous faut observer combien nos sociétés sont enfermées aujourd’hui dans une impasse épistémologique qui fait - en empruntant l’expression à Spinoza - : « Asile d’ignorance » (Éthique, livre I).

 

Je veux parler de ce sociologisme sacerdotal devenu le nec plus ultrade la pédanterie mainstream pontifiante.

Ce sociologisme sacerdotal, réglé - entre autres - sur la seule mièvrerie vénéneuse de l’opposition manichéenne essentialisée entre « dominants » et « dominés », a érigé en dogme absolu que le prétendu « faible » est le « juste », par principe ; et le supposé « fort »,le « criminel » par définition, au même étalon.

Sans autre impératif éthique, concernant la vie et la mort.

Tandis que - concomitamment - dans sa galerie de portraits, le « colonisé » s’est substitué au « prolétaire » en valeur absolue.

 

Dans la forge de dévotion séculière et de religiosité narrative de ce sociologisme cataleptique à dire les faits, devenu un lieu extrême d’empêchement de penser par son omnipotence sémantique ;s’autorisent, voire se justifient, et même s’encouragent, par effets induits, les débridements archaïques mentaux les plus barbares.

Ici, à la façon décrite par Orwell des effets du novlangue comme empêchement de penser, peut s’installer l’indifférenciation éthique et cognitive entre « résistance » et « terrorisme ».

Tout comme s’installe l’indistinction entre les guerres menées selon Clausewitz - théorie de la violence raisonnablement employée, qui imprime la primauté du politique sur les menées du militaire qu’elle retient-, et les guerres promues, sous le nom de Total Krieg, de « Guerre totale », par Ludendorff, général en chef des armées allemandes de 1916 à 1918. Soutien actif, par la suite, de la création du Parti national socialiste, et député du NSDAP en 1924.

Avec la « Guerre totale » Ludendorff installa a contrario de Clausewitz, la primauté du militaire sur le politique. Chez Ludendorff, perçait, non pas une pensée de la guerre, mais un trait d’omnipotence et de destructivité qui ne met plus la guerre « absolue » en virtualité empêchée par les fins politiques comme chez Clausewitz, mais au contraire la plaçait en position séminale. La Paix comme finalité politique cède alors la place à la trêve, en intermède dans un état de guerre permanente. Une telle « Guerre totale » nomme tout à la fois la levée en masse de toutes les populations enrégimentées, sacrifiées, par le Pouvoir, et la guerre faite à toutes les populations adverses sans distinction civils/ militaires, combattants et non combattants.  Elle englobe toutes les instrumentations qui lui servent ; à commencer par celle organisée de la propagande mensongère, notamment sur les prétendues atrocités commises par les adversaires en effort d’exciter la rumeur, pour mobiliser l’« enthousiasme » des troupes et l’arrière des fronts ; et d’autres propagandes pour déstabiliser les populations adverses.

Somme de violences protéiformes qui tuent en masse, une telle « Guerre Totale » en premier lieu efface tous les codes de la guerre que les diverses civilisations (l’Islam compris) avaient tenté au fil des siècles d’élaborer. Elle garrote le politique, justifie l’illimité, appelle toutes les barbaries. 

 

Qu’Israël fasse - depuis sa création - la guerre selon Clausewitz, et que le Hamas et autres acolytes terroristes (Djihad islamiste, et groupes similaires) la pratique suivant Ludendorff, devrait sauter aux yeux.

Ce n’est pas là de moindre importance civilisationnelle sur ce qui s’affronte actuellement…

Gérard Rabinovitch

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